mardi 14 février 2012

Fertilité 11 : Ma vie est un paradoxe...

J'ai l'impression, depuis que les diagnostics d'infertilité sont tombés, de baigner dans les paradoxes.  Pas juste d'y tremper le bouts des orteils, de temps en temps, mais d'y tremper jusqu'au coup... Parfois, j'ai l'impression que je vais m'y noyer parce que je perd pied...  Bien peu de gens peuvent m'aider.  Je dois trouver moi-même le juste milieu de ces paradoxes et apprendre à gérer toutes les émotions et les réactions qu'ils apportent.

Le premier paradoxe, celui qui revient le plus fréquemment, porte sur la communication avec mon entourage.
D'un côté, j'ai envie tout raconter à tout le monde : maman, papa, mon frère, ma soeur, ma belle-famille, mes amis, mes collègues, ma voisine, la caissière...  J'ai envie qu'on me questionne, qu'on s'inquiète pour moi, qu'on me supporte, qu'on en parle...
Mais, en même temps, j'ai envie de ne rien raconter et de tout garder secret! Je redoute les questions qui viendront quand je n'aurai pas envie d'en parler.  Je ne veux pas être obliger de faire un compte rendue parce qu'ils sauront. J'ai peur que les gens s'inquiètent trop.  Je ne veux pas être le centre de l'attention...  Et surtout, je ne veux pas être prise en pitié et je refuse d'entendre les remarques du type "Le prochain essaie sera le bon!"  ou "Cette année, je vous souhaite un beau bébé!"...

Ensuite, il y a l'envie de continuer, ad vitam aeternam, coûte que coûte, à la vie à la mort, et de ne jamais dire "C'est beau, j'ai tout essayer...".
Et il y a l'envie de tout abandonner, de vendre la maison, de donner ma démission et de m'enfuir à l'autre bout du monde où personne ne nous connait et où, à la question "Et les enfants?", ont répondra fièrement : "Les enfants?  Très peu pour nous!  Vous savez, nous la liberté, se lever tard, bien dormir nos nuits, avoir de l'argent dans notre compte en banque c'est ce qu'on aime (parce que tout le monde le sait, le couple sans enfant est toujours plus riche que celui avec des enfants!  Il économise l'argent qu'il n'a pas à dépenser pour "ses" enfants).  En plus avec des enfants, la maison est tout le temps en désordre...  Non, vraiment, très peu pour nous!".

Puis, il y a celui de tout mettre en place pour accueillir l'enfant à venir : une belle maison, la voiture idéale, faire abattre l'arbre dans la cours qui empêchera les enfants d'avoir un espace de jeu, acheter tel ou tel accessoire parce que c'est pas cher et que se sera TELLEMENT beau dans la chambre de bébé...
Et agir en couple sans enfant : voiture sport, petit condo pas trop cher sans cours à entretenir, s'offrir fréquemment des soupers au resto et, finalement, voyager, voyager et voyager ...

Il y a celui de la double personnalité.  On en parle souvent de celle-là! C'est souvent un reproche qu'on se fait et qu'on nous fait...
Il y a la fille forte, qui se retrousse les manches et qui se dit, j'ai une vie, j'ai ma vie... Je suis en santé. J'ai une bonne famille!  De bons amis avec qui j'arrive toujours à me ressourcer autour d'une bonne bouteille de vin!  J'ai un mari que j'adore!  Je pourrais faire ma vie sans enfants!
Mais qui l'instant d'après s'effondre et devient la fille morose parce que ce n'est pas la vie que j'imaginais depuis toute petite...  que ma place dans la société ne sera pas celle que j'imaginais...  que mes enfants adoptés pourraient être victimes de moqueries quant à leurs yeux bridés, la couleur de leur peau et le fait qu'ils n'auront aucune ressemblance physique avec leurs parents...

J'ai souvent l'impression que les émotions qui accompagnent tout ça sont illégitimes...  Souvent parce que mes réactions sont incomprises par mon entourage... et par moi-même.  J'ai l'impression d'être une girouette qui changent de direction de secondes en secondes.  Par exemple, j'ai envie d'aller à une fête de famille, mais, sitôt arrivée, je voudrais prendre mes jambes à mon coup et fuir pour me retrouver seule.  Ou bien, je suis super joyeuse et remplie de positivisme, mais, à la suite d'une chanson à la radio, d'une pub à la télé, d'un commentaire ou d'une discussion, tout s'écroule et j'ai simplement envie de me laisser aller à broyer du noir...  Ça m'arrive à la maison, à l'épicerie, dans un souper avec des amis, au travail, etc.  Ma vie est un terrain miné!  Alors comment demander à mon entourage de comprendre mes réactions et mes émotions, si moi-même je ne les comprends pas parfaitement dû à toute cette instabilité?

Comment faire pour m'approprier ma vie?  Pour prendre le contrôle de celle-ci?  Pour trouver l'équilibre dans ces paradoxes? Je peux très bien me dire : "Je prendrai toujours le chemin positif!"  Quelle utopie!  Personne ne vit que dans le positif!  C'est de mentir aux autres, à soi-même ou de n'avoir jamais vécu d'épreuves...

Je tente d'éviter les mines prévisibles et je me prépare pour les imprévisibles : une phrase-clé, un sourire pratiqué devant le miroir, un moyen de fuite qui ne blessera pas les autres, un mot-clé pour signifier à Yvon que là, ça ne va pas!

Pour nous, le plus important est d'être capable de dire à l'autre de quel côté du paradoxe on se situe pour que l'autre soit en mesure de nous supporter.  Peut-être arrivera-t-il à nous remonter le moral...  ou peut-être pas.

C'est aussi de toujours se rappeler pourquoi on est là et pourquoi on fait ça!  C'est souvent ce qui nous rééquilibre.  On s'aime, on veut faire évoluer notre binôme...  On veut former une famille...  Ne pas simplement appartenir à celles que nos parents ont créés en nous mettant au monde...  On veut être les bâtisseurs!

Et si, par malheur, nous sommes tous les deux en train de perdre pied...  On se dit qu'au moins, on est pas seul!




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